C’est il y a une trentaine d’années que j’ai entendu parler pour la première fois des cercueils suspendus. Je ne sais si certains d’entre vous se souviennent de cette émission à la télévision Française qui mettait en scène des apprentis reporters, munis d’une caméra, qui faisaient le tour du globe afin d’en ramener les images les plus spectaculaires et insolites.
L’un des reportages proposés montrait les cercueils suspendus de Sagada et je ne pensais pas, à cette époque, que quinze ans plus tard, j’aurais la chance de pouvoir contempler ce spectacle insolite.
Dans la région de Sagada, dans la Mountain Province de l’île de Luçon (Luzon), l’ancien rite funéraire de suspendre les cercueils le long des corniches verticales est toujours pratiqué par quelques minorités ethniques. Bien qu’il se perpétue dans la région de Sagada depuis plus de 2.000 ans, ce n’est pas une exclusivité des Philippines.
Ce rite se retrouve également en Indonésie, mais c’est de Chine du Sud qu’il serait originaire, plus précisément de la région du Sichuan avec le peuple Bo.
- Chine, provinces de Fujian (Wuyi Mountains), Hubei, Jiangxi (Longhushan, peuple Guyue), Sichuan (Qutang gorge, une des trois gorges) et Yunnan.
- Indonésie, c’est une pratique du peuple Sa’dan Toraja sur les hautes terres du Sulawesi.
- Philippines, Sagada, Mountain Province.
Le peuple Bo, une minorité ethnique, vivait à cheval sur ce qui est de nos jours la frontière entre les provinces chinoises du Sichuan et du Yunnan. Il développa, il y a plus de 3.000 ans, une brillante civilisation qui fut détruite par la dynastie Ming (1368- 1644).
Tout comme les Aztèques, les Bo ont brutalement et totalement disparus, massacrés jusqu’à l’extermination, laissant derrière eux très peu d’indices et d’informations sur leur civilisation. Seuls sont parvenus jusqu’à nous, les cercueils suspendus, les tambours de bronze et quelques peintures.
En 2005, quelques descendants des Bo ont été découverts dans la région de Xingwen, province du Sichuan.
Mais rendons nous à Sagada, une petite ville de 11.000 habitants, située à 275 kilomètres au nord de Manille, dans une vallée au cœur de la Cordillera.
Après avoir passé la nuit à Banaue (les terrases de riz, site classé par l’UNESCO), nous levons à 06:00, petit déjeuner et départ vers 07 :00. Deux routes pour se rendre à Sagada : Passer par Baguio et remonter sur le nord (140 kilomètres), soit passer par Banaue et remonter sur Bontoc la Capitale provinciale. Avons négocié un jeepney avec le patron de l’hôtel, 2.500 pesos aller et retour (130 kilomètres), ce qui fait 500 pesos par personne, nous sommes cinq.
Ça grimpe sérieusement, nombreux virages, route large, mais rochers sur la route qui obligent à faire très attention. Vestiges d’éboulements et de glissements de terrain rappellent au visiteur que durant la saison des pluies (typhoon), cette région peut rester coupée du monde pendant plusieurs jours, voire semaines.
La route de Baguio est peut-être encore plus difficile. Les montagnes qui nous dominent culminent à plus de 2.000 mètres. Le Mont Tabayoc 2.842 m, le Mont Kapiligan 2.670 m, le Mont Alchanan 2.576 m. Grandiose et sauvage, mais la forêt laisse apparaitre de nombreuses traces de déforestation.
Quelques personnes bénéficieront d’un transport gratuit. Deux militaires de corvée d’eau, notre chauffeur s’arrête pour les prendre, ils descendront quelques kilomètres plus loin, un poste militaire au milieu de nulle part. Trois femmes qui se rendent au marché de Bontoc pour vendre leurs quelques fruits et légumes.
Egalement des gamins, qui profitant de la faible vitesse du véhicule, s’accrochent à l’arrière sur quelques centaines de mètres.
Pas le moment de perdre ses freins, le moteur chauffe.
Sans quitter son siège, le chauffeur transvase quelques litres d’eau dans le système de refroidissement, un ingénieux montage fonctionnant par gravité. Récipient monté sur le toit et tuyau qui aboutit au radiateur. Il a plusieurs bouteilles en plastique remplies d’eau à portée de la main gauche.
Quelques personnes bénéficieront d’un transport gratuit. Deux militaires de corvée d’eau, notre chauffeur s’arrête pour les prendre, ils descendront quelques kilomètres plus loin, un poste militaire au milieu de nulle part. Trois femmes qui se rendent au marché de Bontoc pour vendre leurs quelques fruits et légumes.
Egalement des gamins, qui profitant de la faible vitesse du véhicule, s’accrochent à l’arrière sur quelques centaines de mètres.
Pas le moment de perdre ses freins, le moteur chauffe.
Sans quitter son siège, le chauffeur transvase quelques litres d’eau dans le système de refroidissement, un ingénieux montage fonctionnant par gravité. Récipient monté sur le toit et tuyau qui aboutit au radiateur. Il a plusieurs bouteilles en plastique remplies d’eau à portée de la main gauche.
Après près de trois heures de route, descendons sur Bontoc. Nos vendeuses de fruits et légumes nous quittent sans un mot et nous tournons à gauche en direction de Baguio. Moins de dix kilomètres plus loin nous prenons une petite route sur la droite, six kilomètres de plus … nous sommes à Sagada.
La ville, composée de petites maisons individuelles aux toits de tôles ondulées rouillées, s’étale aux milieux de petites collines boisées, mais les montagnes, tout autour, ne sont pas loin.
Première démarche, se rendre au ‘’Municipio’’, la mairie locale, pour s’inscrire (office du tourisme). Depuis qu’un anglais a été retrouvé mort après s’être perdu dans les grottes de Sagada, l’inscription à la mairie et la location d’un guide sont obligatoires.
Prendre un guide officiel. Mesure de sécurité, mais permet également de faire un peu d’argent pour la population locale. Pour nous qui sommes cinq, il nous faut deux guides ‘’officiels’’ et deux lanternes.
Prendre un guide officiel. Mesure de sécurité, mais permet également de faire un peu d’argent pour la population locale. Pour nous qui sommes cinq, il nous faut deux guides ‘’officiels’’ et deux lanternes.
A peu de distance de la ville, après avoir contourné des terrasses de riz, nous trouvons les falaises avec les cercueils suspendus. La dense végétation, les arbres, les trous et grottes dans les falaises, le tout fait qu’il est difficile, au premier abord, d’apercevoir les cercueils.
Ah, nos cinq premiers, qui d’après nos guides seraient vieux de deux cents ans. Ici, beaucoup plus visibles maintenant, suspendus entre cinquante -cent mètres, une quinzaine apparaissent à travers le feuillage.
Ah, nos cinq premiers, qui d’après nos guides seraient vieux de deux cents ans. Ici, beaucoup plus visibles maintenant, suspendus entre cinquante -cent mètres, une quinzaine apparaissent à travers le feuillage.
En fait les cercueils ne sont pas vraiment suspendus, tout du moins pas comme je l’imaginais, pas avec des cordes. Ils sont, soit accrochées sur des roches en saillies, soit posés sur des pieux enfoncés perpendiculairement dans la falaise.
Une troisième méthode consiste à empiler les cercueils dans les nombreuses grottes creusées dans les falaises de calcaire.
Une troisième méthode consiste à empiler les cercueils dans les nombreuses grottes creusées dans les falaises de calcaire.
Les plus anciens sont façonnés à partir de troncs d’arbres évidés avec un couvercle massif. Ils peuvent prendre des formes différentes et variées, être sculptés, peut-être certains étaient-ils peints. Les plus récents étant fabriqués à partir de planches clouées.
Plusieurs explications sont données à ce rite funéraire. Les morts sont plus près du paradis (mais dans ce cas pourquoi ne pas placer le cercueil au sommet de la plus haute montagne ?). Les morts veulent sentir et entendre le souffle du vent autour d’eux, voir le soleil. Troisième explication, que le cadavre ne soit pas la proie des animaux sauvages. Faites votre choix.
C’est une pratique qui est officiellement interdite, mais je me suis laissé dire que pour les plus âgés des membres de la tribu …
Quand une personne décède, elle est placée (attachée avec des cordes) sur la chaise des morts. Une haute chaise avec dossier qui restera sous le porche de la maison durant la période de deuil (plusieurs jours).
Le cercueil est préparé et emmené jusqu’à la falaise où il sera descendu avec des cordes à l’endroit choisi. Plus tard, le corps sera transporté et placé dans le cercueil par des jeunes de la tribu que l’on nomme les ‘’grimpeurs de rochers’’.
Les gens de la Mountain Province ont un profond respect pour les esprits de leurs ancêtres. Néanmoins, l’on m’a raconté que du fait de la rigidité cadavérique, de la forme du corps suite à la position sur la chaise des morts, de l’étroitesse des cercueils, on n’hésite pas à casser quelques os pour faire entrer le cadavre dans le cercueil.
Le cercueil est préparé et emmené jusqu’à la falaise où il sera descendu avec des cordes à l’endroit choisi. Plus tard, le corps sera transporté et placé dans le cercueil par des jeunes de la tribu que l’on nomme les ‘’grimpeurs de rochers’’.
Les gens de la Mountain Province ont un profond respect pour les esprits de leurs ancêtres. Néanmoins, l’on m’a raconté que du fait de la rigidité cadavérique, de la forme du corps suite à la position sur la chaise des morts, de l’étroitesse des cercueils, on n’hésite pas à casser quelques os pour faire entrer le cadavre dans le cercueil.
Les cavernes et grottes sont également des merveilles à découvrir, de véritables expéditions spéléologiques à réaliser.
Malheureusement, le manque de discipline des touristes, le manque de moyens financiers et de volonté des autorités, font que cet héritage culturel des Philippines pourrait être perdu à tout jamais.
Vous pouvez également assister à des rituels de tribus locales (les anciens coupeurs de têtes), dans les environs de Sagada.
Malheureusement, le manque de discipline des touristes, le manque de moyens financiers et de volonté des autorités, font que cet héritage culturel des Philippines pourrait être perdu à tout jamais.
Vous pouvez également assister à des rituels de tribus locales (les anciens coupeurs de têtes), dans les environs de Sagada.
Nous sommes rentrés à Banaue, de nuit, sans incident particulier.
Expériences, avis, critiques et expériences, comme d'habitude sont les bienvenus.
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